Avec la publication récente de deux décrets, la certification périodique des professionnels de santé (CPP) franchit une étape institutionnelle importante.
Le principe n’est plus théorique : le cadre juridique est posé, les responsabilités sont réparties et les mécanismes de contrôle sont désormais formalisés.
Pour autant, la réalité de terrain reste largement à construire. Si les textes expliquent clairement qui est responsable de quoi, ils laissent encore ouvertes les questions essentielles du comment.
Deux décrets pour passer de l’intention à la structure
Ces textes réglementaires ont avant tout une vocation organisationnelle.
Ils installent :
- une gouvernance nationale,
- un système de suivi centralisé,
- un rôle clair pour chaque acteur,
- et un dispositif de contrôle ordonné.
En revanche, ils n’entrent pas encore dans le détail des modalités pratiques, pourtant déterminantes pour l’appropriation du dispositif par les professionnels de santé.
Une répartition des rôles désormais explicite
Les CNP : définir les attendus professionnels
Les Conseils Nationaux Professionnels (CNP) sont chargés de définir les contenus de la certification périodique pour chaque profession et spécialité.
Ils identifient les types d’actions permettant de répondre aux exigences de maintien et d’amélioration des compétences.
👉 À ce stade, ni le volume d’actions attendu, ni leurs critères précis de validation ne sont encore connus.
La HAS : garantir la cohérence scientifique
Les propositions des CNP sont soumises à validation par la Haute Autorité de Santé (HAS).
Son rôle est d’assurer l’alignement avec les recommandations, la qualité scientifique et la cohérence nationale du dispositif.
Si nécessaire, le gouvernement peut demander à la HAS de modifier ou compléter les contenus, afin de répondre à de nouveaux enjeux sanitaires.
👉 Les modalités d’application de ces évolutions en cours de cycle restent toutefois imprécises.
L’État : centraliser le suivi via Ma Certif’Pro Santé
L’État assure le recueil des preuves de suivi grâce au téléservice Ma Certif’Pro Santé.
Cette plateforme nationale vise à :
- enregistrer les actions réalisées,
- stocker les justificatifs,
- visualiser l’avancement de chaque professionnel.
👉 En pratique, la nature exacte des preuves exigées, leur format et leur compatibilité avec le DPC ou les démarches locales d’EPP ne sont pas encore clairement établis.
Les ordres professionnels : contrôler et accompagner
Les conseils nationaux des ordres, en particulier le Conseil national de l’Ordre des médecins, sont responsables du contrôle du respect des obligations.
Ils peuvent :
- contacter les professionnels n’ayant pas validé leur certification,
- demander des éléments justificatifs,
- proposer des solutions de mise en conformité,
- et, en dernier recours, engager une procédure disciplinaire.
L’approche se veut progressive et pédagogique, même si les critères concrets de déclenchement des contrôles restent à préciser.

Les quatre piliers de la certification périodique
La certification périodique repose sur quatre dimensions complémentaires, qui couvrent l’ensemble de l’exercice professionnel.
1. Mise à jour des connaissances
Actualisation des recommandations, formations et évolution des compétences.
2. Évaluation des pratiques professionnelles (EPP)
Audits, démarches qualité, indicateurs et analyse réflexive de la pratique.
3. Relation avec le patient
Communication, information, décision partagée et qualité de la relation de soin.
4. Santé du professionnel de santé
Prévention de l’épuisement, santé mentale et conditions d’exercice.
👉 Les textes ne précisent pas encore :
- quelles actions permettront de valider chaque pilier,
- si certaines actions pourront compter pour plusieurs piliers,
- quels seront les seuils minimaux requis.
Un calendrier connu, des modalités financières absentes
Le rythme de validation est désormais fixé :
- Piliers 1 et 2 : à valider tous les 3 ans, selon une logique proche du DPC.
- Piliers 3 et 4 : à valider tous les 6 ans.
En revanche, le financement demeure une inconnue majeure :
- quelles actions seront financées,
- par quels dispositifs,
- avec quels plafonds,
- et comment s’articuleront DPC, CPP et formations hors DPC.
Diplômés récents : un régime transitoire étendu
Les professionnels de santé diplômés après 2023 bénéficient d’un délai spécifique :
➡️ 9 ans pour valider leur première certification périodique complète.
Un délai pensé pour accompagner la montée en charge du dispositif, à condition que les règles opérationnelles soient précisées suffisamment tôt.
Conclusion : un cadre réglementaire clair, une mise en œuvre à préciser
Les deux décrets récemment publiés rendent la certification périodique incontournable sur le plan réglementaire.
La gouvernance est définie, le contrôle est organisé et les responsabilités sont identifiées.
Mais pour les professionnels de santé, l’essentiel reste à construire :
des règles simples, des parcours lisibles, des financements clairs et une charge administrative proportionnée.
La réussite de la certification périodique dépendra désormais de sa capacité à devenir un outil utile d’amélioration des pratiques, plutôt qu’une contrainte supplémentaire déconnectée du terrain.