Certification périodique des professionnels de santé : un dispositif encadré, une application encore floue

Avec la publication récente de deux décrets, la certification périodique des professionnels de santé (CPP) franchit une étape institutionnelle importante.
Le principe n’est plus théorique : le cadre juridique est posé, les responsabilités sont réparties et les mécanismes de contrôle sont désormais formalisés.

Pour autant, la réalité de terrain reste largement à construire. Si les textes expliquent clairement qui est responsable de quoi, ils laissent encore ouvertes les questions essentielles du comment.


Deux décrets pour passer de l’intention à la structure

Ces textes réglementaires ont avant tout une vocation organisationnelle.
Ils installent :

  • une gouvernance nationale,
  • un système de suivi centralisé,
  • un rôle clair pour chaque acteur,
  • et un dispositif de contrôle ordonné.

En revanche, ils n’entrent pas encore dans le détail des modalités pratiques, pourtant déterminantes pour l’appropriation du dispositif par les professionnels de santé.

Décret n° 2025-1335 du 26 décembre 2025 relatif aux modalités de contrôle et au système d’information de la certification périodique de certains professionnels de santé

Décret n° 2025-1336 du 26 décembre 2025 relatif aux conditions de la saisine pour avis de la Haute Autorité de santé sur les projets de référentiels de certification périodique élaborés pour chacune des professions à ordre, par les conseils nationaux


Une répartition des rôles désormais explicite

Les CNP : définir les attendus professionnels

Les Conseils Nationaux Professionnels (CNP) sont chargés de définir les contenus de la certification périodique pour chaque profession et spécialité.
Ils identifient les types d’actions permettant de répondre aux exigences de maintien et d’amélioration des compétences.

👉 À ce stade, ni le volume d’actions attendu, ni leurs critères précis de validation ne sont encore connus.

La HAS : garantir la cohérence scientifique

Les propositions des CNP sont soumises à validation par la Haute Autorité de Santé (HAS).
Son rôle est d’assurer l’alignement avec les recommandations, la qualité scientifique et la cohérence nationale du dispositif.

Si nécessaire, le gouvernement peut demander à la HAS de modifier ou compléter les contenus, afin de répondre à de nouveaux enjeux sanitaires.

👉 Les modalités d’application de ces évolutions en cours de cycle restent toutefois imprécises.

L’État : centraliser le suivi via Ma Certif’Pro Santé

L’État assure le recueil des preuves de suivi grâce au téléservice Ma Certif’Pro Santé.
Cette plateforme nationale vise à :

  • enregistrer les actions réalisées,
  • stocker les justificatifs,
  • visualiser l’avancement de chaque professionnel.

👉 En pratique, la nature exacte des preuves exigées, leur format et leur compatibilité avec le DPC ou les démarches locales d’EPP ne sont pas encore clairement établis.

Les ordres professionnels : contrôler et accompagner

Les conseils nationaux des ordres, en particulier le Conseil national de l’Ordre des médecins, sont responsables du contrôle du respect des obligations.

Ils peuvent :

  • contacter les professionnels n’ayant pas validé leur certification,
  • demander des éléments justificatifs,
  • proposer des solutions de mise en conformité,
  • et, en dernier recours, engager une procédure disciplinaire.

L’approche se veut progressive et pédagogique, même si les critères concrets de déclenchement des contrôles restent à préciser.


Les quatre piliers de la certification périodique

La certification périodique repose sur quatre dimensions complémentaires, qui couvrent l’ensemble de l’exercice professionnel.

1. Mise à jour des connaissances

Actualisation des recommandations, formations et évolution des compétences.

2. Évaluation des pratiques professionnelles (EPP)

Audits, démarches qualité, indicateurs et analyse réflexive de la pratique.

3. Relation avec le patient

Communication, information, décision partagée et qualité de la relation de soin.

4. Santé du professionnel de santé

Prévention de l’épuisement, santé mentale et conditions d’exercice.

👉 Les textes ne précisent pas encore :

  • quelles actions permettront de valider chaque pilier,
  • si certaines actions pourront compter pour plusieurs piliers,
  • quels seront les seuils minimaux requis.

Un calendrier connu, des modalités financières absentes

Le rythme de validation est désormais fixé :

  • Piliers 1 et 2 : à valider tous les 3 ans, selon une logique proche du DPC.
  • Piliers 3 et 4 : à valider tous les 6 ans.

En revanche, le financement demeure une inconnue majeure :

  • quelles actions seront financées,
  • par quels dispositifs,
  • avec quels plafonds,
  • et comment s’articuleront DPC, CPP et formations hors DPC.

Diplômés récents : un régime transitoire étendu

Les professionnels de santé diplômés après 2023 bénéficient d’un délai spécifique :
➡️ 9 ans pour valider leur première certification périodique complète.

Un délai pensé pour accompagner la montée en charge du dispositif, à condition que les règles opérationnelles soient précisées suffisamment tôt.


Conclusion : un cadre réglementaire clair, une mise en œuvre à préciser

Les deux décrets récemment publiés rendent la certification périodique incontournable sur le plan réglementaire.
La gouvernance est définie, le contrôle est organisé et les responsabilités sont identifiées.

Mais pour les professionnels de santé, l’essentiel reste à construire :
des règles simples, des parcours lisibles, des financements clairs et une charge administrative proportionnée.

La réussite de la certification périodique dépendra désormais de sa capacité à devenir un outil utile d’amélioration des pratiques, plutôt qu’une contrainte supplémentaire déconnectée du terrain.

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