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Au terme de ce cas clinique, vous aurez validé votre DPC et revu :
Les principales étapes de la prise en charge d’une plaie aiguë.
Les indications de l’antibiothérapie dans le traitement d’une plaie traumatique aiguë.
Les techniques de fermeture et le matériel conseillés en fonction du contexte clinique et de la localisation anatomique de la plaie.
Les prescriptions et consignes patients à l’issue de la prise en charge initiale.
Les obstacles et les solutions possibles pour favoriser la pratique de cet acte en médecine de ville.
A la fin du cas clinique corrigé, vous recevrez :
Les 10 points clés à retenir sur la prise en charge initiale des plaies aiguës et la réalisation de sutures.
Une fiche de synthèse : Choix du type de suture et du type de fil en cicatrisation de première intention.
Fiche d’information patient après prise en charge d’une plaie aiguë 👉 tout pour gérer au quotidien simplement, rapidement et en mode Evidence Based Medicine (EBM) 😉
Vous effectuez un remplacement dans une maison médicale semi-rurale en Provence durant l'été 2024.
A 17 heures, alors que la fatigue et la chaleur d’un cabinet non climatisé se font sentir, monsieur S. vous appelle pour savoir si vous pouvez recevoir sa fille en urgence. Léa s’est blessée en chutant de sa trottinette vers 9h du matin mais n’a prévenu sa mère que quand celle-ci est rentrée du travail. Monsieur S. a déjà appelé trois cabinets, sans succès, mais il « aimerait éviter de passer la soirée aux urgences, d’autant qu’il vaudrait mieux que les infirmiers et les médecins s’occupent des gens qui y vont parce qu’ils ont des problèmes graves. »
Ses préoccupations quant à l’accès aux soins non programmés vous ragaillardissent, vous avez un faible pour la « petite traumatologie » et, cerise sur le gâteau, il vous reste exactement un créneau libre : le dernier, à 19h15.
Le médecin que vous remplacez vous avait montré il y a 1 semaine l’emplacement du matériel de suture, tout en vous précisant que vous n’en aurez probablement pas besoin car s’il en fait « deux fois par an, c’est bien le maximum ! » avant d’ajouter sur le ton du mystère : « Mais bon, c’est l’été… »
Deux heures plus tard, vous examinez Léa qui présente une douleur sur le tiers supéro-externe de la jambe gauche où vous trouvez une compresse imbibée de sang séché. Elle vous précise que sa plaie n’a pas pu être désinfectée initialement à cause du saignement. Heureusement, une responsable de la maison des jeunes à côté du skate-park avait dans son sac quelques compresses stériles pour comprimer et endiguer le saignement. Monsieur S. précise que, lorsqu’il est rentré, Léa a refusé de retirer son pansement pour désinfecter la plaie car elle craignait que cela lui fasse mal et que le saignement reprenne. Il n’a donc pas insisté et a préféré vous appeler directement.
Vous vérifiez le carnet de santé de Léa ; la vaccination anti tétanique est bien à jour. Puis, afin de ne pas tracter la plaie, vous l’humidifiez généreusement, assurez Léa que le retrait du pansement sera indolore, procédez et manquez de perdre un tympan.
Vous découvrez une plaie en ligne d’environ 3-4 centimètres, modérément contuse avec un hématome sous cutané au niveau de la partie supérieure. Les bords libres sont écartés et les pourtours inflammatoires. Le saignement est tari. Vous ne repérez pas de corps étranger macroscopique. Léa vous dit avoir mal et fait la grimace avant même que vous ne touchiez sa plaie… Le retrait du pansement semble l’avoir refroidie.
Après l’application d’un anesthésique topique en spray, vous nettoyez la plaie abondamment et ne retrouvez pas de corps étranger.
Cependant, les pourtours sont inflammatoires sur 2 cm environ, légèrement œdématiés avec un écoulement initial de pus sur le bas de plaie, toutefois parti avec le lavage. Par ailleurs, monsieur S. est inquiet car il a lu sur internet qu’en cas de délai supérieur à 6 heures, on ne pouvait plus suturer. « Puis ça ne va pas faire une grosse cicatrice épaisse et moch… disgrâc… un peu… bof ? »
Léa vous adresse ce regard :
Quelles est votre attitude thérapeutique ?
La bonne réponse est A.
Explications :
Quid du délai de fermeture d’une plaie > 6 heures ?
L’impossibilité de fermeture d’une plaie en raison d’un délai de prise en charge > 6 heures est un dogme caduc mais tenace, au point d’être toujours affiché sur le site de l’assurance maladie (NB : se méfier des informations officielles destinés aux patients qui ne sont pas à jour… pas seulement de Doctissimo !)
Le délai de prise en charge était ici d’environ 10 heures.
Selon les recommandations de 2017 de la SFMU, Il n’existe pas de délai standardisé au-delà duquel une plaie simple ne peut être fermée en cicatrisation de première intention.
Les études ayant tenté de fixer un délai (de 3 à 24 h et au-delà) sont d’un faible niveau de preuve. Il n’y a pas d’association démontrée entre le délai de fermeture et le risque d’infection. Compte tenu d’une meilleure vascularisation de la face et de la tête par rapport aux autres parties du corps, une plaie de ces zones peut être suturée jusqu’à 24 h avec un faible risque infectieux si le lavage et le parage ont été correctement effectués.
Aspect inflammatoire et purulent de la plaie :
La flore commensale cutanée qui contamine la plaie limite par compétition la colonisation par des agents pathogènes exogènes.
En cas de plaie traumatique (n’incluant pas les morsures et les infections du site opératoire) avec signes inflammatoires uniquement locaux et érythème/induration péri-lésionnel < 5cm, même en présence de pus, et en absence de terrain particulier (immunodépression, terrain ischémique local), il n’y a pas d’indication à une antibiothérapie.
Un traitement antibiotique oral, nécessairement probabiliste, ne doit pas être systématique, mais envisagé au cas par cas dans les situations suivantes à visée préemptive :
- signes cliniques d'infection régionale ou systémique ;
- prise en charge tardive (au-delà de 24 h) ;
- inoculum bactérien important ou profond ;
- difficulté d’accès à un lavage efficace : orifice d’entrée de petite taille, mécanisme vulnérant profond, trajet projectilaire, injection avec ou sans pression ;
- localisation particulière ;
- terrain à risque ;
- parage non satisfaisant.
Notons enfin qu’il n’existe aucune indication à une antibiothérapie locale dans la prise en charge d’une plaie.
Annexe n°1 : Indications (ou non) d’un traitement antibiotique dans la prise en charge d’une plaie aiguë (SFMU 2017) :
Parmi les techniques de fermeture suivantes, lesquelles sont possibles ?
Les bonnes réponses sont A et C.
Réponse A et B : Les seules localisations où la suture peut être faite en un seul plan de points séparés classiques sont le cuir chevelu, les paupières, les oreilles, le nez, les mains, les pieds et les organes génitaux. Dans les autres cas (comme ici ou il s’agit d’une plaie du membre inférieur), l’absence de plan sous-cutané majore le risque d’espace mort, d’hématome, de dépression et d’élargissement cicatriciel. Il n’est donc pas recommandé.
Réponse C : En cas de plaie superficielle chez l’adulte et l’enfant, l’utilisation des agrafes est possible en dehors de la face, du cou, des mains et des pieds pour un résultat esthétique similaire aux sutures. Cette technique réduit par ailleurs le temps de prise en charge
Réponse D : Cette technique est indiquée seule uniquement dans les plaies cutanées franches, mineures, peu profondes et non souillées. Si le derme est franchi par la plaie, la colle cutanée ne dispense pas de la réalisation d’un plan dermique profond.
Le petit plus du pédiatre 💎 :
La technique de suture dépend du site de la plaie et de son type quel que soit l’âge. La prise en charge de l’enfant ne diffère pas de celle de l’adulte, en dehors de l’usage des antiseptiques :
Chez les enfants < 1 mois, les produits iodés, la chlorhexidine et leurs dérivés sont contre-indiqués !
Entre 1 et 30 mois, ils ne doivent être utilisés, en application brève et peu étendue, que s’ils sont indispensables.
Les colles dermoadhésives sont rapides, faciles à appliquer, indolores et s’éliminent spontanément si bien que leur facilité d’utilisation en fait une technique intéressante chez l’enfant.
La cicatrisation de l’enfant est rapide mais l’hypertrophie de la cicatrice est fréquente et il convient de réaliser des sutures sans tension en respectant les mêmes contre-indications citées chez l’adulte. La croissance peut avoir un impact sur la cicatrice qu’il conviendra de réévaluer si besoin jusqu’à l’âge adulte. Enfin, une suspicion de maltraitance ne doit pas être oubliée chez cette population vulnérable.
Comme vous ne maitrisez pas la technique des points cutanées profond, votre choix se porte sur les agrafes, ce qui vous fera également gagner du temps par rapport à la réalisation d’une suture. Après avoir rassuré Léa quant à l’aspect esthétique de la future cicatrice, vous réalisez une petite anesthésie locale par injection de lidocaïne sous cutanée pour compléter l’anesthésie topique initiale.
L’implantation des agrafes se passe à merveille. Vous avez la brillante idée de discuter des dernières médailles françaises obtenues aux jeux olympiques que Léa suit attentivement toute la journée et vous n’auriez pas pu trouver mieux pour détourner son attention du soin (de votre côté, les dernières aventures de Nelson Montfort, c’est en replay après votre journée au cabinet…)
Vous vous apprêtez à faire sortir Léa et son papa.
Parmi les propositions ci-dessous, lesquelles vont faire partie de vos prescriptions de sortie :
La bonne réponse est D.
Réponse A : La durée proposée de maintien des points/agrafes pour le membre inférieur est de 15 à 21 jours. Le tableau ci-dessous reprend les durées avant ablation en fonction de la zone anatomique.
Annexe 2 : Délai avant ablation des points de suture ou agrafes en fonction de la localisation (SFMU 2017) :
Réponse B : La plupart des plaies propres ne nécessitent pas de revoir un médecin avant le retrait des points de suture ou agrafes. Les plaies majeures, notamment à risque infectieux, doivent être revues à 48-72 h. Des consignes sont à remettre au patient concernant les signes d’infection nécessitant une consultation. Quelle que soit la méthode employée, le délai avant retrait des points de suture ou agrafes est fonction de la localisation et des contraintes fonctionnelles.
Réponse C et D : D’après les recommandations de 2017, les soins des plaies suturées nécessitent un lavage simple et quotidien à l’eau puis une protection par un pansement adhésif stérile avec compresse intégrée. Il n’y a pas d’indication à la prescription d’antiseptique. Le retrait accidentel d’agrafe étant moins probable que celui des fils de suture, l’application systématique d’un pansement stérile de protection n’est pas indiquée après la mise en place d’agrafes cutanées.
Après trois quarts d’heure de consultation, Léa et son père repartent vers d’autres aventures. Vous vous laissez choir dans votre fauteuil et laisser échapper un léger soupir de soulagement. Le philosophe des soins primaires qui sommeille en vous se prend à penser que vous devriez jouer au loto ; contrairement aux dix jours précédents, aujourd’hui vous n’aviez pas de retard et votre dernier créneau de consultation était toujours libre.
La situation aurait été autrement plus complexe pour vous avec un agenda plein ; vous auriez probablement orienté Léa et son père vers les urgences dès son appel téléphonique. À contre-cœur mais à l’impossible nul n’est tenu.
Quelques années plus tôt, un de vos maîtres de stage vous avait expliqué qu’il ne pratiquait pas les sutures au cabinet principalement en raison de difficultés médico-légales en cas de complications, « sans compter que c’est quand même vachement mal payé. » De votre côté, vous songez qu’au cabinet on manque surtout de temps et de matériel ; la plupart des cabinets où vous avez remplacé ne disposaient que d'un équipement de suture lacunaire, quand ils en avaient. Vous vous demandez alors si les obstacles à la réalisation de sutures en ville ont déjà été documenté et, le cas échéant, si des solutions sont proposées.
Au sujet des obstacles à la réalisation de suture en médecine de ville et les solutions que l’on peut y apporter, quelles sont les propositions vraies ?
La bonne réponse est C.
Réponse A : Faux. Dans deux thèses sur le sujet, la crainte des conséquences médico-légales n’arrivait qu’en 4e et 6e positions des motifs allégués. Les motifs les plus fréquents étaient la proximité d’un service d’urgence et le manque de temps.
Réponse B : Faux. Le manque de temps arrivait en 2e position des motifs allégués par les internes. La raison principale selon eux était l’absence ou l’insuffisance de demande des patients (66,4%).
Réponse C : Vrai. Le manque de temps est effectivement la raison la plus fréquente. Elle était citée par 51,5% des médecin et 63,8% des internes interrogés.
Réponse D : Faux. La solution paraissant la plus efficace pour favoriser la réalisation de sutures en libéral était le remboursement des kits et du fil pour les patients afin de diminuer le coût de ce geste tout en simplifiant la gestion du matériel (43% des médecins interrogés) La revalorisation de l’acte de suture arrivait en 3e position (34% des médecins interrogés).
Voilà, c'est la fin de ce cas clinique de la semaine, bonne rentrée à toutes et à tous !
A la semaine prochaine !
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Fiche de synthèse au format A4 :
Cliquez ici pour ouvrir la fiche
Les 10 points à retenir :
1) Après avoir éliminé/pris en charge une situation réelle ou potentielle d’urgence vitale ou fonctionnelle, la douleur est le 1er paramètre à évaluer et à traiter. Son contrôle permet d’assurer la qualité et le confort de la prise en charge (lavage efficace, exploration complète, détersion complète le cas échéant, matériel et technique de fermeture adaptés pour optimiser la cicatrisation).
2) La plaie doit être maintenue en milieu humide à l’aide d’une compresse imbibée d’eau permettant un retrait facile et atraumatique entre chaque étape de la prise en charge (du transport au pansement final).
3) Le lavage abondant à l’eau (idéalement douche) permet de nettoyer la plaie et de diminuer le risque infectieux. Il n’y a pas de preuve de supériorité du sérum salé isotonique par rapport à l’eau du robinet contrôlée.
4) Face à une plaie franche vue précocement les antiseptiques n’ont pas montré de bénéfice dans la prise en charge initiale ni dans le cadre des soins à la sortie.
5) Le risque rabique et tétanique doit systématiquement être évalué et le statut vaccinal recherché.
6) Toute plaie est colonisée par des germes mais il est impératif de limiter tout apport exogène contaminant. Les soins sont prodigués après friction hydroalcoolique et en utilisant des équipements de protection individuels non nécessairement stériles (masque, lunette, gant).
7) L’antibiothérapie locale n’a pas sa place dans la prise en charge des plaies aiguës.
8) L’antibiothérapie orale n’est pas recommandée dans la plupart des cas de plaie traumatique, y compris en cas de signes inflammatoires locaux/présence de pus. Ses indications sont limitées (principalement en cas de signes d’infection régionale ou systémique, prise en charge tardive > 24h, terrain d’insuffisance circulatoire).
9) Disparition du délai de fermeture d’une plaie.
10) Pour les plaies « profondes » qui ont franchi le derme, une suture en 2 plans avec des points sous cutanée ou l’implantation d’agrafe sont recommandées quand la localisation l’exige/le permet (cf. détails dans les recommandations 2017 de la SFMU).
Bibliographie :
Recommandations SFMU 2017 : Plaies aiguës en structure d’urgence ; Référentiel de bonnes pratiques https://www.guideline.care/images-recos/RBP-Plaie-SFMU-2017.pdf
Prise en charge des plaies aux Urgences : 12ème CONFERENCE DE CONSENSUS SFMU : Clermont-Ferrand 2 décembre 2005
Thomas Tamisier. Les futurs médecins généralistes pratiqueront-ils les sutures en cabinet de ville ? Médecine humaine et pathologie. 2015.
Valentine Lebrun. Identification des principaux facteurs qui inciteraient à la réalisation des sutures au cabinet de médecine générale. Médecine humaine et pathologie. 2020.