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Épisode 4 : Le prurit et l'urticaire



 

Pas de diagnostic de routine !
Expliquer au patient que l’urticaire aiguë est inoffensive et disparaît généralement en l’espace de six semaines. Traitement par antihistaminiques non sédatifs dont la dose peut être multipliée par quatre"

 

I) Le prurit

Le prurit est défini comme une sensation déplaisante qui provoque le besoin de se gratter.

Le prurigo est un concept nosologique utilisé pour définir des lésions provoquées par le prurit. Depuis 2018, une définition du prurigo est donnée comme suit : le prurigo chronique est une maladie autonome définie par un prurit depuis plus de 6 semaines, des antécédents et/ou des signes de grattage répétés, de multiples lésions cutanées prurigineuses localisées ou généralisées. Il peut être d' origine dermatologique, systémique, neurologique, psychiatrique/psychosomatique, mixte ou indéterminée. 

👉🏻 Le prurigo chronique survient à cause d' une sensibilisation neuronale au prurit et du développement d' un cercle vicieux prurit-grattage. Cette sensibilisation est à la fois périphérique (hyperexcitabilité des terminaisons nerveuses cutanées augmentée par le grattage) et centrale (dysfonctionnement des interneurones de la moëlle épinière et modification de la connectivité cérébrale).

Un mot pour comprendre ... prurit - prurigo ou l'histoire de l'œuf et de la poule 🥚 🐓 :

Le problème du prurit est d'en trouver sa cause. Il existe 3 grandes familles de causes :

  1. La maladie dermatologique engendrant un prurit 
  2. Le prurit sine materia c'est à dire sans maladie dermatologique causale mais pouvant être secondaire à une pathologie non dermatologique 🧨🧨🧨
  3. Le prurigo qui un prurit associé à des lésions dermatologiques conséquence du grattage ! 

Retenons donc que le prurit peut être la cause ou la conséquences de lésions dermatologiques :

Lésions dermatologiques engendrant un prurit => Prurit sine materia => Prurit engendrant des lésions dermatologiques.  

 

I-1) Comment faire le diagnostic ?

Là aussi, comme dans l'acné le problème du diagnostic positif ne se pose pas vraiment. Le problème est plutôt celui du diagnostic ÉTIOLOGIQUE.

1) Le prurit de cause dermatologique :

Le type de lésion dermatologique oriente vers la cause du prurit.

 

cause-dermato-prurit

La cause dermatologique peut aussi être trouvée selon la localisation du prurit : 

localisation-prurit

Il faut aussi savoir que certaines lésions dermatologiques ne sont jamais prurigineuses : 

lesions-dermatologique-non-prurigineuse

2) Le prurit sine materia :

Avant tout examen, il faudra :

  • éliminer une consommation de cannabis
  • puis lister les médicaments pris habituellement par le patient car certains sont pourvoyeurs de prurit 👇

prurit-medicament

Causes du prurit sine materia en un diagramme :

causes-de-prurit-sine-materia

On peut donc proposer comme bilan complémentaire devant un prurit sine materia 👇 

 

bilan-prurit-sine-materia

3) Le prurigo :

Le prurigo est une pathologie autonome secondaire à un prurit prolongé. Le prurigo se caractérise par de multiples lésions prurigineuses localisées ou généralisées :

    • Papules, ou
    • Nodules, ou
    • Plaques (lichénification), ou
    • Macules.
prurigo-papuleux
Prurigo papuleux
prurigo-en-plaque
Prurigo en plaque (lichénification en cours)
prurigo-nodulaire
Prurigo nodulaire

 

I-2) Comment traiter ?

La prise en charge thérapeutique est basée sur le traitement de la maladie sous jacente (traitement étiologique), mais on associe aussi un traitement dit symptomatique.

Soins locaux

Il faut aussi éviter tout ce qui peut favoriser l’apparition ou l’exacerbation du prurit. Pour la toilette, il faut préférer les douches courtes aux bains, éviter les détergents et les savons acides et privilégier les savons surgras ou alcalins. Des émollients doivent être appliqués après la toilette et les applications peuvent être renouvelées dans la journée. Le coton est mieux adapté que d’autres textiles, en particulier la laine. Les vêtements trop serrés ou trop chauds doivent être évités.

Soins topiques

  • Crèmes glucocorticoïdes
    • Souvent efficaces en traitement du prurit et des troubles cutanés
    • Degré de puissance à déterminer en fonction de la maladie cutanée et de la zone à traiter ; voir les instructions spécifiques à la maladie
  • Crèmes aux inhibiteurs de la calcineurine
    • L'indication principale est la dermatite atopique.
    • Il est possible de les utiliser en traitement de nombreux autres types de prurits (par ex., le prurit urémique).

Traitement général

  • anti histaminiques +/- sédatifs. La prise d'hydroxyzine de nuit est souvent un bon traitement symptomatique.

 

I-3) Quand adresser chez le dermatologue ?

Il convient de consulter un dermatologue si les examens de base d'un patient atteint de prurit d'origine incertaine n'en révèlent pas la cause et si le traitement symptomatique approprié n'est d'aucune utilité.

En cas de prurit sévère, il convient de consulter un dermatologue si on suspecte un trouble cutané spécifique ou qu'on envisage la photothérapie (par ex. prurit urémique, dialyse).

Si on suspecte le prurit comme étant dû à une maladie systémique, il convient de consulter un interniste (tel qu'un hématologue).

Le prurit psychogène peut être traité par un psychiatre.

 

II) L'urticaire (une)

Il convient de différencier :

  • l'urticaire superficielle (celle de la peau) et
  • l'urticaire profonde ou angio-oedème (celle des muqueuses).

urticaire-superficielle
Urticaire superficielle

 

Il faut aussi différencier :

  • l'urticaire aiguë durant < 6 semaines
  • l'urticaire chronique > 6 semaines

L’urticaire superficielle se caractérise par des papules, prurigineuses, mobiles et fugaces qui ressemblent à des piqûres d’orties.

Ces papules disparaissent en 24h à 48 heures puis elles reviennent à un autre endroit du corps : on dit que les plaques sont mobiles et fugaces.

On différencie :

  • les urticaires aiguës, d’une durée inférieure à 6 semaines,
  • des urticaires chroniques qui durent plus de 6 semaines.

II-1) Comment faire le diagnostic ?

L'anamnèse est très importante :

  • Élément crucial : infections, surtout infections des voies respiratoires supérieures
  • Médicaments (IEC, aspirine, AINS, produits de contraste, produits en vente libre, phytothérapie)
  • Alimentation
  • Piqûre ou morsure d’insecte 
  • Situation de stress émotionnel
  • Stimuli physiques (entraînement sportif, transpiration, chaleur, soleil, froid)

La clinique se caractérise par : 

L'apparition séquentielle de papules/plaques, généralement accompagnée d’érythème, avec ou sans angiœdème (œdème de Quincke : visage, langue, lèvres, extrémités, organes génitaux). Les plaques subsistent moins de 24 heures s'associent des démangeaisons, parfois des brûlures.

Le problème diagnostique dans l'urticaire se divise schématiquement en 2 grandes situations cliniques : 

  1. Dans l'urgence, en cas d'urticaire aiguë, il faut savoir repérer l'angiœdème laryngé ou les manifestations d'anaphylaxie.
  2. Dans la chronicité, il faut savoir différencier les urticaires chroniques spontanées UCS (anciennement urticaire chronique idiopathique) et les urticaires inductibles.

L'angioedème laryngé est facile à reconnaître. il s'agit d'un oedème du larynx hors à quoi sert le larynx ? Que va t'il se passer si les cordes vocales gonflent ? Le larynx sert à respirer et parler. On en déduit donc que le patient en cas d'angioedème laryngé aura en 1er lieu une dysphonie puis une dyspnée INSPIRATOIRE

💎Attention en cas de dyspnée inspiratoire d'origine laryngée, la saturation en O2 est un très mauvais paramètre de surveillance.💎

En cas de dyspnée haute (laryngée), elle sera inspiratoire. Si le patient tire pour respirer, la dyspnée est grave, très grave quelque soit la saturation éventuellement prise => urgence vitale ! Trousse urgence 

Je prends souvent l'image de quelqu'un qui tomberait d'une tour pour imager cette situation de tirage à sat en O2 normale : 

Durant la chute => c'est l'équivalent d'un patient en dyspnée haute avec tirage et sat normale 

A l'impact sur le sol => plus de tirage et la sat dégringole en qqs secondes 

👉🏻 Si vous voyez quelqu'un avoir une dyspnée inspiratoire avec tirage : il est entrain de tomber d'une tour ! URGENCE +++

Ne regardez pas sa satO2, elle sera quasi normale puis d'un coup elle ne chutera que lorsque le larynx sera complètement fermé (c'est l'impact sur le sol et c'est trop tard 🧨🧨🧨)

Pour résumer en cas d'angioedème laryngé, la séquence symptomatique est donc la suivante : 

Patient dans un contexte d'urticaire aiguë puis dysphonie => dyspnée inspiratoire => dyspnée inspiratoire avec tirage => asphyxie avec chute brutale en qqs secondes de la satO2 puis arrêt cardio-respiratoire.

 

Le problème de l'urticaire chronique spontané ou inductible est tout autre. Il s'agit de différentier le spontané de l'inductible.

Premièrement, d'une manière générale, elle est beaucoup plus rare que l’urticaire aiguë.

Un bilan allergologique est inutile en cas d'urticaire chronique, qui n'est pas une maladie allergique.

Par contre, l'urticaire chronique est parfois associée à d'autres maladies (cf plus loin) Les recommandations internationales de décembre 2016, prônent un bilan simple comprenant NFS et VS ou CRP chez chaque patient. La conférence de consensus française de 2003 préconise de ne réaliser ce bilan qu’en 2ème intention, en cas d’échec d’une monothérapie antihistaminique en dosant, en plus du bilan sus-cité les anticorps anti-thyroïdiens de façon systématique.

D'une manière synthétique, face à une urticaire chronique, il faut penser à des : 

  • Troubles endocriniens thyroïdiens
  • Maladies auto-immunes systémiques (lupus systémique, syndrome de Sjögren, thyroïdite auto-immune, cryoglobulinémie, vascularite urticaire)
  • Infections gastro-intestinales (H. pylori)
  • Infections bactériennes du rhinopharynx, des dents et des voies urinaires.

Il existe deux diagnostics différentiels de l'urticaire : 

Angiœdème héréditaire (AOH)

  • Visage (y compris lèvres, langue et larynx), extrémités, organes génitaux : œdème ferme et non prurigineux se développant lentement (quelques heures) ; régresse après quelques heures.
  • Pas d’urticaire.
  • L’atteinte abdominale entraîne des douleurs abdominales de type coliques.

Angiœdème provoqué par un IEC

  • Contrairement à l’angiœdème héréditaire, les œdèmes se situent principalement au niveau du visage et du cou.
  • Peut survenir après des années d’utilisation sans problème d’un inhibiteur de l’ECA.
  • Pas d’urticaire.

II-2) Comment traiter en médecine générale ?

Urticaire aiguë non compliquée : antihistaminique oral non sédatif (désloratadine, lévocétirizine, fexofénadine, bilastine) en dose unique. En cas de non-réponse, administrer jusqu’à quatre fois la dose. Traitement quotidien même si pas de symptôme durant 4 semaines. Pas de traitement topique (ni corticoïdes ni antihistaminiques) !

👉🏻 En cas de signes d’anaphylaxie ou de manifestations respiratoires laryngées : adrénaline (Epipen) et/ou un corticoïde oral => urgences 🚑 🚑 🚑

Urticaire chronique : Le bilan et le traitement de l'urticaire chronique se fait par le dermatologue de préférence. Pour votre information, voici l'escalade thérapeutique du traitement de l'urticaire chronique. En cas d'urticaire inductible la conduite à tenir est identique à celle des urticaires chroniques tout en évitant dans la mesure du possible la stimulation déclenchante :

  • Les frottements sur la peau en cas de dermographisme (porter des vêtements amples)
  • Les déplacements par temps froid ou humide, les baignades ou sports en eau froide en cas d'urticaire au froid
  • Les efforts physiques, l'ingestion d'aliments chauds et/ou épicés en cas d'urticaire cholinergique
  • Le port de charges lourdes ou des pressions importantes en cas d'urticaire à la pression
  • Les expositions solaires sans protection vestimentaire et/ou crème solaire en cas d'urticaire solaire
  • Les vibrations intenses en cas d'angio-œdème vibratoire (dans le cadre professionnel, ménager ou des loisirs).

traitement-urticaire-chronique

L’omalizumab peut être prescrit en association aux antihistaminiques ; c’est un anticorps monoclonal anti-IgE, c’est-à-dire qu’il se fixe sur les récepteurs des IgE en particulier à la surface des mastocytes, évitant ainsi leur activation. La ciclosporine peut aussi être utilisée ; c’est un médicament dit immunosuppresseur qui diminue la réactivité du système immunitaire cutané, évitant ainsi l’activation des mastocytes.

 

II-3) Quand adresser au spécialiste ?

Le traitement à long terme de l’urticaire chronique doit être accompagné par un spécialiste en dermatologie.

 

Au sujet du prurit, voici une fiche de synthèse des recommandations 👇

prurit-fiche

 

Concernant l'urticaire, voici une fiche destinée aux patients 👇

fiche-patient-urticaire

fiche-urticaire-2

Voici une ordonnance type à utiliser en cas d'urticaire aiguë 👇

ordonnance-type-urticaire-aigue

 

Retrouvez Dr Cécile Voilliot en vidéo qui synthétise les points clefs à retenir sur le prurit et l'urticaire en soins de 1er recours.