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Au terme de ce cas clinique, vous aurez validé votre DPC et revu :
✅ Quand penser à une AOMI, comment faire le diagnostic + ?
✅ Quel bilan faire en MG et chez qui adresser les patients ?
✅ Comment traiter selon les stades de l'AOMI ?
✅ Actualisez vos connaissances selon les dernières recommandations sur l'AOMI de l'ESC d'Août 2024
A la fin du cas clinique corrigé, vous recevrez :
Une fiche de synthèse au format A4 sur les différentes claudications, une autre sur l'AOMI en MG.
Les 10 points clefs à retenir sur l'AOMI en MG.
Tout pour gérer au quotidien simplement, rapidement et en mode Evidence Based Medicine (EBM) 😉
Vous recevez à votre cabinet madame T., âgée de 70 ans ; elle est très active, ne voit pas souvent de médecins.
Elle vous signale ne pas prendre de traitement particulier hormis un sachet de kardegic 75mg qu’elle a arrêté récemment. Une odeur de tabac froid vous prend au nez et vous lui demandez innocemment si elle fume…
Madame T. est agacée par cette question et vous répond qu’elle fume depuis l’âge de ses 20 ans un paquet par jour.
« Tant qu’à faire » comme elle dit, elle vous mentionne une gêne dans la jambe droite depuis quelques temps (au moins 1 ou 2 ans) survenant en marchant mais fluctuant avec la durée de marche, survenant généralement au bout de 500 mètres de marche ; son activité quotidienne reste préservée. Son ancien médecin traitant lui avait dit que ce n’était pas grave, peut-être une sciatique tout au plus. Comme elle fumait et qu’elle ne voulait pas faire des d’autres examens, il lui avait prescrit du kardegic 75mg, « dans le doute ».
Vous reprenez l’interrogatoire et elle vous mentionne avoir eu 3 grossesses obtenues par PMA dans les années 1985-90 car on lui avait découvert un syndrome des ovaires polykystiques.
Vous examinez Madame T :
Taille : 165cm – Poids : 53Kg
PA = 121/68mmHg ; FC = 79/min ; Sa02 95% AA, eupnéique au repos
Auscultation pulmonaire normale.
Auscultation cardiaque : bruits du cœur perçus sans souffle perçus surajoutés
Vous palpez des pouls fémoraux bilatéraux et mal les poplités mais vous semblez les palper tout de même.
Vous ne percevez pas de souffle sur les fémorales communes avec votre stéthoscope.
Quelles sont votre(vos) hypothèse(s) diagnostique(s) ?
La bonne réponse est D.
L’AOMI présente différents stades cliniques, et peut revêtir différentes présentations :
La classification de Fontaine et celle de Rutherford sont les deux classifications les plus utilisées.
La type de douleur de la claudication artérielle est à type de crampes, broiement qui survient progressivement au cours de la marche dans un territoire musculaire précis (fesse, cuisse, mollet, voute plantaire) et oblige le patient à s’arrêter au bout d’une certaine distance : c’est la distance maximale de marche. Cette douleur disparait rapidement au repos (habituellement moins de 10 minutes) et réapparait au bout de la même distance de marche.
La topographie de la douleur oriente le niveau de la lésion artérielle :
Mollet : artère fémorale superficielle et/ou poplitée
Cuisse : axe iliaque : commune et/ou externe
Fesse : iliaque interne et/ou commune
Voute plantaire : artères jambières
Mon tips de médecin vasculaire 💎 :
Un point important et sous-estimé : le dépistage de l’AOMI dite masquée : il s’agit de patients présentant une capacité de marche réduite pour d’autres raisons que l’AOMI (arthrose, canal lombaire rétréci etc.) ou une sensibilité réduite à la douleur. Elle est très largement sous diagnostiquée, il faut donc être vigilant à cette entité.
Les patients en médecine de ville ne viennent pas avec un diagnostic tout fait mais avec une plainte symptomatique.
L'AOMI appartient à la classe symptomatique de la claudication au sens large.
Quels sont donc les principaux diagnostics différentiels face à une claudication ?
Bien évidemment, la recherche des facteurs de risque cardiovasculaires (FdRCV) complète votre interrogatoire.
J’aimerais souligner ici les FdRCV moins ou peu recherchés et qui restent néanmoins importants, ceux qui sont spécifiques aux femmes, et sur lesquelles l’ESC y accorde son attention. Il s’agit de rechercher les antécédents de complications gravidiques : HTA gravidique, pré-éclampsie, diabète gestationnel, et pathologies gynécologiques : syndrome des ovaires polykystiques, insuffisance ovarienne précoce, ménopause.
Retrouvez dans cette courte video mes commentaires sur la question et l'abord de l'AOMI en MG :
Vous suspectez, chez cette patiente, une claudication artérielle. Vous souhaitez affirmer avec certitude ce diagnostic d'interrogatoire.
Par quoi complétez-vous votre examen clinique ?
Les bonnes réponses sont A,B et C.
En premier lieu, pensez à bien palper tous les pouls, notamment distaux avec les pouls pédieux (dos du pied) et tibiaux postérieurs (sous la malléole médiale). Palpez également les pouls poplités : quand ils sont « trop bien » perçus, cela peut faire évoquer un anévrisme poplité.
Cela renforce l'intérêt de se former en MG à l'échographie pour débrouiller certaines situations. Il y a depuis peu une société savante d'échographie en médecine générale 👉
Puis dans un second temps, auscultez les trajets artériels : fémoraux communs, carotidiens et chez les patients fins voire maigre l’auscultation du trajet de l’aorte abdominale est faisable ; on recherche des souffles systoliques sur les trajets artériels, témoins de sténoses qui seront explorés ensuite.
A noter qu’au niveau carotidien, les souffles peuvent avoir différentes causes : sténoses athéromateuses bien sûr, mais également souffle sur boucle ou plicature carotidienne, ou bien encore irradiation d’un souffle cardiaque bien entendu. En cas de recherche d’AOMI, l’auscultation des carotides rentre dans le cadre du bilan d’extension de la pathologie artérielle athéromateuse périphérique.
Venons en au diagnostic positif à proprement parlé :
La prise des IPSc est nécessaire pour poser le diagnostic d’AOMI : < 0,9. A noter que l’IPSc au repos a une sensibilité de 68-84% et une spécificité de 84-99% pour poser le diagnostic d’AOMI.
La mesure se fait chez un patient allongé en décubitus dorsal au repos depuis au moins 5 à 10 minutes. Les brassards sont posés aux chevilles juste au-dessus des malléoles et aux bras pour la pression humérale. Pour la pression à l’orteil la sonde est posée sur la pulpe distale du 1er (le plus souvent) ou du 2ème orteil.
Cliquez-ici pour voir un tutoriel de l'IPS
Mon tips de médecin vasculaire 💎:
On a vu dans le QCM 1 "quand penser à une AOMI?" => le terrain + la claudication (à différentier des autres causes possibles de claudications)
Ici, il faut retenir dans ce QCM2 que le diagnostic + de certitude peut se faire au cabinet par la mesure de l'IPS +++
Vous avez mesuré l'IPS à la jambe droite qui est à 0.8.
Quel(s) examen(s) complémentaire demandez-vous ?
La bonne réponse est C.
Le message principal à retenir est que l'écho-Doppler est l’examen complémentaire à réaliser en première intention dans le bilan vasculaire pour le dépistage et le diagnostic de l’AOMI.
C’est le seul examen dynamique, qui analyse le flux sanguin et donc l’hémodynamique, c’est-à-dire le retentissement des lésions artérielles. C’est en plus un examen non invasif, non irradiant et indolore. Il permet de localiser, quantifier, et évaluer le retentissement des lésions vasculaires. Cet examen a une sensibilité de 88% et une spécificité de 95% pour la détection des sténoses au-delà de 50% (selon les recommandations de l’ESC 2024).
Mes tips de médecin vasculaire 💎 :
👉 La maladie artérielle périphérique c'est comme la circulation routière. #Bison futé
Quand vous partez en vacances en voiture, vous ne voulez pas connaître tous les moindre chemins, routes présents sur le territoire. Vous voulez savoir avant tout où il y a aura des bouchons et où la circulation sera fluide ! Et bien dans l'AOMi c'est pareil, cela ne sert à rien d'avoir une cartographie statique des réseaux artériels (angioscanner angioIRM) à notre niveau, on veut savoir si le sang passe ou pas. Et là seul un examen dynamique du flux est utile ... et c'est l'échodoppler artériel qui le donnera !
👉 Fait intéressant et trop peu fait en pratique quotidienne, réaliser cet examen après exercice physique au cabinet déclenchant la douleur à l’effort permet de révéler des lésions artérielles limites ou peu incidentes au repos, notamment sur les axes iliaques et donc de dépister des lésions paucisymptomatiques au repos.
Je vous explique cela dans cette courte video 👇 :
Par quels examens complétez-vous ce bilan ?
Toutes les réponses sont bonnes.
Après le bilan lésionnel localisé au niveau des membres inférieurs, l’idée est de réaliser le bilan d’extension de la maladie artérielle périphérique athéromateuse. En effet, il faut penser arbre artériel périphérique en globalité, notamment, ayez à l’esprit que chez un patient artériopathe, celui-ci a 25 à 70% de risque de pathologie artérielle coronaire associée, et de 14 à 19% de risque d’avoir une sténose carotidienne au-delà de 70% concomitamment (ESC 2017 : European Heart Journal (2018) 39, 763-821).
Ainsi, l’écho-Doppler des troncs supra aortiques est parfaitement pertinent à demander dans le cadre de ce bilan, l’aorte abdominale est explorée en même temps que le Doppler des membres inférieurs (recherche d’anévrisme de l’aorte abdominale et des axes iliaques, séquelles de dissection, dissection type B). Le bilan biologique est prescrit dans le cadre de la future mise en place des traitements (bilan hépatique pour les statines, bilan rénal pour les IEC ou ARA2), et dépistage des FdRCV : diabète (glycémie à jeun et HbA1c), dyslipidémie (bilan lipidique) ; nous pouvons même y ajouter la Lp(A) qui rentre en compte dans la stratification du risque cardiovasculaire (les traitements spécifiques ciblant la Lp(A) sont en cours d’étude et arriveront sur le marché dans quelques années).
Une MAPA est de bon ton : dépistage de l’HTA en premier lieu et afin d’adapter les traitements anti-hypertenseurs.
Enfin, le dépistage de l’athérome coronaire est – à mon sens – indispensable : il passe en premier lieu par des méthodes non invasives comme le coroscanner (dépistage des plaques coronaires) et par une ETT pour une évaluation globale de la fonction cardiaque. Le patient étant de toute façon adressé vers un cardiologue pour ce bilan spécifique, celui-ci juge de pousser ou pas les investigations à visée cardiologique.
Ayez toujours en tête ce message fort : un patient avec AOMI a un risque 4 à 5 fois plus élevé d’événements cardiovasculaires qu’un patient indemne d’AOMI. Cela est résumé dans une des figures des dernières recommandations de l’ESC :
Autre message important : le diagnostic précoce est crucial pour une meilleure prise en charge et diminuer les risques de complications liées à la pathologie.
Vous récupérez le bilan biologique que vous avez prescrit ; vous repérez notamment un LDLc à 1,3 g/L, une HbA1c à 5,5%, une glycémie à jeun à 0,8g/L. La MAPA vous revient normale avec notamment une moyenne de pression artérielle diurne à 131/76mmHg. L’écho-Doppler confirme votre diagnostic d’AOMI stade claudication intermittente et met en évidence une sténose très serrée du tiers distal de la fémorale superficielle droite avec démodulation du flux d’aval.
L’écho-Doppler des TSA vous montre un athérome carotidien non sténosant selon les critères NASCET et le coroscanner quelques plaques fibreuses des coronaires sans retentissement.
Finalement, le plus important, quel(s) traitement(s) débutez-vous ?
Les bonnes réponses sont B et C.
Le traitement repose sur « la triplette vasculo-protectrice » :
Antiplaquettaire : ils sont recommandés dès le stade claudicaiotn intermittente. Non indiqué au stade asymptomatique. Les antiplaquettaires prescrits sont généralement soit le kardegic 75mg / jour ou le clopidogrel 75mg/jour.
IEC ou ARA2 : ils sont prescrits MÊME EN L’ABSENCE D’HYPERTENSION, à visée purement vascuclo-protectrice. Les IEC ont un rôle vasodilatateur. Ils sont prescrits jusqu’à dose maximale tolérée.
Les traitements hypolipémiants : il existe une véritable escalade thérapeutique afin d’obtenir un LDLc le plus bas possible. Rappelons que dans le cas de cette patiente, elle est placée à très haut risque cardiovasculaire ; son objectif de LDLc est inférieur à 0,55g/L (soit 1,4mmol/L) et une diminution du taux d’au moins 50% par rapport à son taux de base. Pour y arriver : en premier lieu, prescription d’une statine à dose maximale tolérée, de préférence de haute intensité (atorvastatine ou rosuvastatine). Si l’objectif n’est pas atteint, adjonction d’ezetimibe à une dose de 10mg. Si l’association n’est toujours pas suffisante, adjonction d’un inhibiteur de PCSK9. Les inhibiteurs de PSCK9 relèvent d’une autorisation de délivrance par le médecin conseil de la sécurité sociale, et la primo-prescription est effectuée par un médecin vasculaire, un cardiologue, un neurologue ou un endocrinologue. Le renouvellement peut être assuré par le médecin généraliste. Je rappelle ici que les fibrates n’ont aucune indication dans la prise en charge de la dyslipémie (ESC 2024, classe III).
Ces traitements rentrent dans le cadre du traitement médical optimal, comme défini dans les recommandations de la société européenne de cardiologie.
Bien évidemment, pierre angulaire du traitement, le sevrage tabagique total et définitif est indispensable.
Madame T. veut se faire opérer directement, que lui répondez-vous ?
La bonne réponse est B.
Autre message fort de ce cas clinique : le temps primordial de la rééducation vasculaire à la marche qui fait partie intégrante du traitement, au même titre que le sevrage tabagique et les traitements médicamenteux mis en place.
La rééducation vasculaire doit se faire préférentiellement dans un centre supervisé, sinon non supervisée et réalisée par le patient lui-même. Avec l’avènement des montres connectées, celles-ci ont une vraie place dans la rééducation du patient en termes de motivation et de suivi.
Il s’agit de faire 3 séances par semaine, à raison de 30 minutes par séance, pour une durée totale d’au moins 12 semaines (au minimum).
👉 Chez le claudicant, elle est réalisée en première intention.
👉 Si jamais les symptômes ne sont pas améliorés, alors est envisagée une revascularisation chirurgicale.
Lorsque la pathologie est stabilisée, le suivi clinique et échographique est réalisé une fois par an (ou avant si nouveaux symptômes ou aggravation de symptômes préexistants).
Mon tip de médecin vasculaire 💎 :
"On ne peut modifier que ce que l'on mesure". L’utilisation d’objets connectés comme les trackers d’activité (qui permettent de quantifi er le nombre de pas quotidiens) est particulièrement utile pour stimuler l’observance !
Je vous explique la place fondamentale de la rééducation vasculaire à la marche et comment procéder dans cette courte video :
On vous a trouvé LE SITE qui recense les fameux "centres de rééducation vasculaire à la marche" 👇
cliquez-ici pour ouvrir la carte
Et voilà c'est la fin de ce cas clinique, félicitations et à la semaine prochaine !
Fiche reco A4 guideline.care :
Les 10 points clefs à retenir dans l'AOMI en 2024 :
1) Pensez maladie artérielle périphérique dans sa globalité : tous les territoires artériels peuvent être concernés.
2) Un dépistage précoce permet un meilleur avenir cardiovasculaire pour les patients.
3) La place centrale du médecin vasculaire pour le diagnostic, la mise en place initiale des traitements et le suivi de la pathologie.
4) L’exploration ultrasonore en première intention permet de dépister et diagnostiquer un grand nombre de chose.
5) Être agressif dans le traitement : un patient artéritique est à très haut risque cardiovasculaire.
6) Attention à l’AOMI masquée.
7) Escalade thérapeutique concernant les traitements hypolipémints : statines à dose maximale tolérée +/- ezetimibe +/- inhibiteur de PCSK9.
8) Objectif de LDLc < 0,55g/L et diminution d’au moins 50% par rapport au taux de base.
9) Sevrage tabagique dans tous les cas.
10) Le temps primordial de la rééducation vasculaire à la marche.
Fiche patient : "Comprendre l'AOMI"