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Lombalgie en MG (traitement, suite du cas clinique 01)
Au terme de ce cas clinique, vous aurez vu :
Vous recevrez à la fin de ce cas clinique :
Place au traitement de Mr P... (Si vous n'avez pas fait le cas clinique de la semaine dernière, ne lisez pas la suite)
et rendez-vous ici pour débuter le cas : partie diagnostique.
Aujourd'hui nous allons parler du traitement 👇
Pour mémoire :
La semaine dernière vous aviez vu Mr P qui vous avait consulté car il avait une douleur dans le bas du dos qui ne passait pas.
A l'interrogatoire, vous retrouviez une douleur qu'il décrivait comme permanente dans la journée, calmée par le décubitus dorsal, parfois même insomniante. La douleur semblait limitée à la région lombaire basse et a une topographie en barre.
A l'examen, vous aviez éliminé les causes non spinales et les drapeaux rouges, vous aviez identifié des drapeaux jaunes de risque de passage à la chronicité.
Examens complémentaires : A juste titre, vous n'aviez pas demandé d'examen complémentaire car il n'avait pas de drapeaux rouges. On avait vu toutefois qu'il ne fallait pas forcément appliquer au pied de la lettre les drapeaux rouges.
Mr P. a donc un diagnostic de LOMBALGIE COMMUNE AIGUE posé, quel traitement médicamenteux de 1ère intention proposez-vous ?
La bonne réponse est A. Le traitement pharmacologique recommandé en 1ère intention dans les lombalgies communes aiguës est constitué d'antalgiques de palier I. L'association paracétamol et AINS est plus efficace que paracetamol seul.
Gabapentine : Mr P. a une douleur radiculaire (SLUMP TEST +) il pourrait paraître "logique" de prescrire un antalgique spécifique des douleurs neuropathiques comme la gabapentine (Neurontin®) ou la prégabaline (Lyrica®) chez un patient avec un syndrome radiculaire aigu... Cependant, d'une part le niveau de preuve d'efficacité de ces traitements est insuffisant dans les douleurs radiculaires accompagnant les lombalgies (sciatiques), d'autre part la prégabaline, pose de sérieux problèmes de risque d'addiction.
Petit aparté, chez guideline, vous avez à votre disposition un calculateur automatique de scores, vous pouvez l'utilisez pour l'évaluation des douleurs neuropathiques avec le QUESTIONNAIRE DN4 (cliquez sur le lien pour le tester)
Pour lire l'article le plus récent sur le manque d'efficacité des antalgiques de type prégabalinen, cliquez ici => Mathieson S, Maher CG, McLachlan AJ, Latimer J, Koes BW, Hancock MJ, Harris I, Day RO, Billot L, Pik J, Jan S, Lin CC. Trial of Pregabalin for Acute and Chronic Sciatica. N Engl J Med. 2017 Mar 23;376(12):1111-1120.
Pour voir un reportage de la BBC sur l'important problème d'addiction engendré par la prégabaline, c'est ici => (cliquez sur la photo ci-dessous pour visionner la video)
Concernant la duloxétine, cet ISRS (seul étudié dans la lombalgie) n'a pas d'indication dans la lombalgie commune aiguë mais dans la lombalgie chronique. Son efficacité est toutefois modérée comme vous pouvez le voir dans cette infographie👇
Que peut-on dire de cette infographie ? Et bien elle montre que la duloxétine n'améliore que 10% des patients alors que le groupe contrôle est amélioré dans 40% des cas. De plus l'amélioration (quand elle existe) fait passer la douleur de 6 à 4 en EVA en moyenne... A cela, il faut ajouter les effets secondaires de la duloxétine avec une somnolence dans 20% des cas... ce qui n'est pas franchement souhaitable quand on essaie au contraire de faire reprendre au plus vite une activité physique chez ces patients...
Et les opiacés ? Il est FORTEMENT RECOMMANDÉ DE NE PAS UTILISER d'opiacés chez la plupart des patients en raison :
-de leur effets indésirables,
-de leur potentiel de dépendance,
-et de leur potentiel d'hyperalgésie induite par les morphiniques.
Nous avons évoqué les traitements PHARMACOLOGIQUES de 1ère INTENTION face à UNE LOMBALGIE COMMUNE AIGUË, je souhaiterais vous parler de façon plus globale des objectifs du traitement de la lombalgie car le traitement pharmacologique n'est pas le PRINCIPAL AXE DE TRAITEMENT dans cette pathologie.
L'essentiel se trouve ailleurs, découvrez dans cette video pourquoi :
Vous préparez une ordonnance "type" pour Mr P. devant cette lombalgie commune aiguë comportant Profenid et paracetamol.
Il est surpris car il est déjà sous AINS depuis 4 jours sans amélioration notable, il pensait avoir "des médicaments plus forts"
Il vous demande aussi s'il peut avoir un arrêt de travail : "Vous comprenez Dr, je viens pas souvent vous voir, là j'ai vraiment trop mal, et mes problèmes avec ma femme me pèsent ! "
Vous lui répondez "Je suis d'accord avec vous, l'ordonnance de traitement médicamenteux n'est pas le principal traitement de la lombalgie commune aiguë".
QUELLES AUTRES PRISES EN CHARGE JUSTEMENT PROPOSEZ-VOUS à Mr P. EN PLUS DU TRAITEMENT MEDICAMENTEUX ?
Toutes les réponses sont bonnes ! Nous allons les revoir une par une.
Un arrêt de travail peut être prescrit en fonction de l'état d'impotence du patient. La CPAM a édité une fiche permettant de donner une indication : ( Vous pourrez télécharger cette infographie de la CPAM en cliquant ici
La durée de 5 jours est maximale selon cette fiche.
Cette fiche peut aussi servir de support pédagogique et servir de base pour donner une explication au malade lors de la discussion sur la durée de l'arrêt.
La consultation de contrôle est très importante pour réévaluer le patient et ce encore plus en cas d'AT. Toute évolution non favorable malgré le traitement à 6 semaines nécessite la réalisation d'une imagerie dont le gold standard est l'IRM lombaire. La durée de 4 semaines est intéressante pour revoir le patient car la majorité a déjà normalement largement récupéré.
👉 revoyons les patients souffrant de lombalgie commune aiguë à 4 semaines.
L'activité physique adaptée est aussi un élément CAPITAL dans la prise en charge d'une lombalgie commune aiguë. Il s'agit de stimuler le patient pour qu'il reprenne une activité quotidienne rapidement. Pour encourager l'activité physique, vous pouvez conseiller au patient de télécharger l'application "Activ Dos", gratuite, éditée par la CPAM (cliquez sur "Activ Dos" pour voir l'application).
La kinésithérapie est le traitement physique non médicamenteux de 1ère intention à proposer au patient. La technique de référence est celle de Mac Kenzie consistant en la réalisation d'étirement en extension.
Retrouvez ci-dessous les différents traitements non médicamenteux proposés dans la recommandation HAS sur les lombalgies communes 👇
Mon astuce de rhumatologue 💎💎💎 :
Le but d'un AT limité et d'une mobilisation rapide est de permettre au patient de reprendre ses activités quotidiennes avec une douleur lombaire acceptable. Il ne faut surtout pas attendre la disparition totale de la douleur pour inciter le patient à reprendre sa vie quotidienne habituelle. Le piège est pourtant que, pour beaucoup de patients, "intensité de douleur" et "gravité du problème de santé" sont corrélés Ils peuvent être ainsi dans le "J'ai mal c 'est donc grave j'arrête donc complètement mes activités"...
Je vous conseille donc de passer quelques minutes pour expliquer cela tout en restant hyper disponible pour adapter le traitement médicamenteux afin de bien contrôler la douleur. Il s'agit pour résumer de passer une sorte de "contrat" avec le patient : "vous êtes actif le + rapidement possible et moi je vous permets de l'être dans de bonnes conditions algiques grâce au traitement médicamenteux et physique".
Mr P. vous remercie et vous dit que son frère a eu le "même épisode il y a 4 mois" et qu'il est allé voir un ostéopathe "qui lui a remis la vertèbre en place car un nerf était coincé". Il vous explique qu'il a regardé dans son contrat de mutuelle et qu'il " a le droit a 3 séances d'ostéopathie par an". Il vous demande alors une "ordonnance pour l'ostéopathe".
QUE DITES-VOUS à Mr P ?
Les réponses bonnes sont A et C.
Le patient a une pensée erronée très fréquente sur l'action menée par un ostéopathe. Il n'y a pas de "remise en place vertébral "ni de lever de compression nerveuse" lors d'un traitement physique ostéopathique. Il convient donc de lui expliquer car ce type de pensée a tendance à rendre le patient "passif" dans la prise en charge alors que la clef dans un lumbago, c'est de rendre acteur le patient dans la reprise de ses activités en s'appropriant les exercices à effectuer.
L'ostéopathie tout comme la kinésithérapie fait partie du traitement physique de la lombalgie commune aiguë. Nous avons déjà prescris un traitement physique par la kinésithérapie de type Mac Kenzie, prescrire des séances d'ostéopathie est dans ce contexte :
La recommandation HAS, à propos du traitement manuel est de le proposer en 2ème intention et uniquement dans le cadre d’une combinaison multimodale de traitements incluant un programme d’exercices supervisés. Ce qui est recommandé en 1ère intention dans le traitement non médicamenteux de la lombalgie commune aiguë est :
Mr P. vous demande "s'il peut prendre des vitamines pour l'aider à récupérer plus vite".
QUE LUI REPONDEZ-VOUS ?
La bonne réponse est B.
Et oui surprise la vitamine B est indiquée 😀 L'adjonction de vitamine B réduit les besoins en antalgique comparativement à la prise d'AINS seuls ! Cette connaissance est peu connue dans les pays occidentaux pourtant elle a fait l'objet d'étude récente assez solide en 2020 dans la revue Pain Medicine :
La posologie est : vitamine B1 50mg, vitamine B6 50 mg et vitamine B12 2000 µg par jour.
Mr P. revient comme prévu 4 semaines après le début de sa lombalgie commune aiguë. Il est tout d'abord examiné par votre interne en stage. Il examine seul le malade, vous fait état d'une diminution de la douleur depuis quelques semaines. Compte tenu de son examen, il a encouragé Mr P. a continuer son activité quotidienne.
A la fin de son rapport de cas clinique, il vous rapporte qu'il lui a "juste prescrit un laxatif "car Mr P. se plaint de constipation.
Il vous demande si vous voulez le voir ou si Mr P. peut repartir ?
QUE FAITES-VOUS ?
La bonne réponse est A.
Une "constipation" est rapportée mais cela peut très bien être une hypotonie motrice anale dans ce contexte de lombalgie... 🧨🧨🧨
Nous sommes à 4 semaines du début d'une lombalgie commune aiguë. Le risque évolutif est celui, entre autre, d'un syndrome de la queue de cheval qui est un déficit neurologique et donc une urgence neurochirurgicale. Ce motif de "constipation" peut en effet cacher une évolution lente vers ce syndrome qui constitue une urgence. Attention, le syndrome de la queue de cheval peut survenir dans un second temps ou lentement au cours d'une lombalgie aiguë. Il convient donc de réexaminer le patient et de rechercher une atonie anale par un TR et surtout un signe encore plus spécifique : l'hypoesthésie en selle ou de la face interne de cuisse ! Si vous retrouvez un syndrome de la queue de cheval, ne demandez pas d'IRM en ville, adressez directement le malade auprès d'un chirurgien du rachis pour évaluation en urgence d'une éventuelle indication chirurgicale.
Retenons donc bien notre rôle de triage dans les lombalgies aiguës, ce triage s'effectue en 2 temps :
TEMPS 1 = INTERROGATOIRE => identifier les 4 drapeaux rouges suivants (les autres sont pas utiles à retenir dans ma pratique)
TEMPS 2 = EXAMEN CLINIQUE => recherche un déficit neurologique => Syndrome de la queue de cheval
(🚩🚩🚩 attention la radiculalgie n'est pas un déficit neurologique, un slump test + ne doit donc pas conduire à une prise en charge neurochir en urgence en soit. => Ne pas confondre un trajet de douleur radiculaire avec un déficit neurologique 🚩🚩🚩)
Finalement devant une lombalgie aiguë en MG, posons nous SIMPLEMENT 2 questions :
LES 10 POINTS CLEFS :
1) La grande majorité des lombalgies aiguës sont "communes" = "mécaniques" d'origine musculaire, la grande majorité va évoluer favorablement en 2 mois. Une approche positive, optimiste et rassurante est donc essentielle à avoir vis à vis des patients 👍
2) Les patients demandent souvent une radiographie même pour une lombalgie aiguë commune, résistez à ces demandes et expliquez pourquoi. Même si le patient ne demande pas explicitement de radiographie, devancez la situation et expliquez pourquoi vous n'en demandez pas !
3) Pour trier les lombalgies, recherchez les 4 drapeaux rouges suivants à l'interrogatoire : 18 ans < âge < 70 ans , les ATCD de cancers, le traumatisme récent, corticothérapie ou drogue IV puis un syndrome de la queue de cheval à l'examen clinique (même dans un second temps).
4) Devant une lombalgie aiguë chez un homme âgé, pensez au cancer de la prostate, faites un TR !
5) Le risque d'évolution vers une lombalgie chronique peut être évalué par un questionnaire standardisé STarT Back (cliquez ici pour y accéder) : utilisez le grâce au calculateur de score de guideline.care.
6) Le traitement antalgique de référence comporte paracétamol + AINS (+-/ Vitamines B +/- Myorelaxants).
7) Un AT de 5 jours maximum est recommandé par la CPAM dans la lombalgie aiguë commune.
8) Une reprise rapide de l'activité quotidienne avec une douleur contrôlée est l'objectif 1er du traitement.
9) La kinésithérapie par méthode Mac Kenzie permet d'accélérer ce retour rapide à l'activité quotidienne.
10 ) Prendre du temps pour déconstruire les idées inadéquates du type "Tant que j'ai mal je ne bouge pas, si j'ai mal c'est que c'est grave, l'ostéo va me remettre une vertèbre en place ou me décoincer un nerf". Autre éléments très anxiogène : le compte rendu radiologique : rassurez le patient en lisant et expliquant les comptes rendus radiologiques parfois très anxiogènes pour les patients.
LA FICHE DE RECO SYNTHETISEE :
https://www.guideline.care/conduite-a-tenir/neurologie/lombalgies (cliquez sur ce lien pour accéder à la fiche avec les liens)
LES MODELES D'ORDONNANCES TYPES :
Les modèles d'ordonnances types sont situés à côté de la fiche de synthèse sur la page web : 👇
👉 Vous avez du temps et souhaitez aller plus loin dans la pathologie du rachis ?
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Dr Merlot - Praticien Hospitalier en Neurochirurgie au CHRU de Nancy
Pour y accéder, cliquez sur ce lien :
Masterclass : urgences rachidiennes en médecine générale
A la semaine prochaine pour un nouveau cas clinique !