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LOMBALGIE en MG (diagnostic)
Au terme de ce cas clinique, vous aurez vu :
Mr P. 45 ans vous consulte car il a une douleur dans le bas du dos qui ne passe pas depuis 4 jours malgré la prise de profenid 100mg 2x/j en automédication. Il est très gêné pour conduire sa voiture.
Mr P. est informaticien, vous êtes son médecin référent et il vous consulte rarement (une à deux fois par an en moyenne).
A l'interrogatoire, vous retrouvez une douleur qu'il décrit comme permanente dans la journée, calmée par le décubitus dorsal, parfois même insomniante. La douleur semble limitée à la région lombaire basse et a une topographie en barre. Vous apprenez également que Mr P. "en a plein le dos" et il vous confie qu'il rencontre des difficultés relationnelles avec sa compagne depuis plusieurs mois et qu'une séparation est envisagée par elle.
A l'examen clinique : Mr P. a beaucoup de mal pour passer de la position assise à debout, il monte péniblement sur la balance qui retrouve un poids stable à 90Kg pour 180cm, il est apyrétique.
UNE LOMBALGIE COMMUNE AIGUE EST-ELLE UN DIAGNOSTIC PROBABLE à ce stade ?
La bonne réponse est A . La lombalgie commune aiguë est un diagnostic probable à ce stade de la présentation clinique.
En effet, la topographie de la douleur (bas du dos), le caractère mécanique (douleur calmée par le repos, aggravée par l'effort) oriente vers ce diagnostic. Il n'y a pas d'antécédent particulier notamment pas de cancer ni de traumatisme récent, pas de fièvre. De plus Mr P. a un âge compatible avec une lombalgie commune c'est à dire entre 18 et 55 ans.
Comment repérer une lombalgie grave ?
Mon avis personnel, truc et astuce :
"Une proportion significative de patients se présentant avec des lombalgies peut présenter un ou plusieurs item de "drapeau rouge", même s'ils n'ont pas de cause sous-jacente grave de lombalgie. Un déficit moteur m'alerte constamment, contrairement aux paresthésies ou aux douleurs radiculaires qui ne sont pas nécessairement aussi préoccupantes."
Vous poursuivez l'examen clinique pour éliminer les diagnostics différentiels de la lombalgie commune aiguë.
"Mais, au fait... quels sont les diagnostics différentiels de la lombalgie aiguë ..."
PARMI CES PROPOSITIONS, QUELS SONT LES DIAGNOSTICS DIFFERENTIELS POSSIBLES D'UNE LOMBALGIE COMMUNE AIGUE (d'une manière générale) ?
Toutes les réponses sont bonnes.
Voici mon explication :
Le "framework" à adopter devant une lombalgie en cabinet de soins de 1er recours est le suivant :
Cette stratégie de "triage", rôle clef du médecin généraliste, est bien décrite dans cet article récent :
Bardin LD, King P, Maher CG. Diagnostic triage for low back pain: a practical approach for primary care. Med J Aust. 2017 Apr 3;206(6):268-273. doi: 10.5694/mja16.00828. PMID: 28359011. (cliquez sur la référence pour ouvrir l'article si vous voulez aller plus loin)
Illustration issue de l'article :
Au cours de l'interrogatoire, vous laissez place à une phase "ouverte" permettant à Mr P de s'exprimer et de raconter son histoire de manière libre afin de connaître un peu mieux ses préoccupations ou attentes concernant son état de santé.
Voilà ce qu'il vous dit :
" Je viens vous voir, car vous savez Doc quand je viens c'est pas pour rien ! Mais là vu que j'ai très mal et que ça passe pas sous Profenid, je me dis que c'est peut être grave... en plus c'est pas le moment, pile quand ma femme veut partir... Comment je vais faire moi pour tout gérer ? Mon voisin m'a dit hier, qu'il n'y a que les infiltrations qui marchent dans les tours de reins ! C'est vrai Docteur ? "
Au terme de cette phase d'entretien
Y A T'IL UN OU DES INDICATEURS D'UN RISQUE ACCRU DE PASSAGE A LA CHRONICITE DANS CE QUE DIT MR P.?
La bonne réponse est A. Oui, il y a plusieurs éléments indiquant un risque accru de passage à la chronicité chez Mr P.
Il semble avoir une vision inappropriée de la douleur en général. Pour lui, la douleur semble être un signe de gravité : " vu que j'ai très mal et que ça passe pas sous Profenid, je me dis que c'est peut être grave...". Il semble également rechercher une solution passive, médicamenteuse " il n'y a que les infiltrations qui marchent". Enfin, les problèmes personnels constituent un stress supplémentaire : séparation avec sa femme.
Découvrez ici ce que sont les "drapeaux jaunes"
Le questionnaire STarT Back est un outil disponible via ce lien 👉🏻Cliquez ici
Après l'interrogatoire, votre examen neurologique face à cette lombalgie va comporter un test visant à rechercher un syndrome radiculaire, vous réalisez ce test :
QUEL EST LE NOM DE CE TEST CLINIQUE ?
La bonne réponse est C. Il s'agit du SLUMP TEST.
Le slump test est le test le plus sensible pour rechercher une radiculalgie. Il est plus sensible que le test de Lasègue également appelé straight leg test. Il permet de mettre en tension les structures nerveuses par étapes
Le patient est assis sur le bord de la table d'examen de manière détendue. Il y a 4 étapes dans le SLUMP TEST :
1) Le patient se recroqueville ensuite vers l'avant (sans flexion excessive du tronc),
2) puis place le menton sur la poitrine,
3) la jambe affectée est tendue,
4) et enfin le pied de la jambe affectée est redressé en dorsiflexion.
Le test est positif quand le patient ressent une reproduction de sa douleur. On arrête le test à l'étape où la douleur est reproduite, il est alors inutile de poursuivre les autres étapes.
Le test est négatif quand le patient ne ressent aucune douleur reproduite ou paresthésie dans les fesses et à l'arrière de la jambe.
Attention, un patient peut ressentir une douleur d'origine purement musculaire lors de l'extension de la jambe. Pour la différencier d'une douleur radiculaire, demandez alors au patient de relever alors la tête tout en maintenant sa jambe au degré d'extension où la douleur est apparue. Si la douleur ne disparaît pas lorsque le patient se redresse (c'est à dire en diminuant la tension sur les structures nerveuses), il s'agissait d'une douleur probablement musculaire des ischio-jambiers.
Voici ici le SLUMP TEST
Vous réalisez le slump test qui est positif à droite. Le reste de l'examen neurologique ne retrouve pas de déficit sensitivo-moteur, ni de trouble sphinctérien. Les réflexes ostéo-tendineux sont normaux.
QUEL(S) EXAMEN(S) D'IMAGERIE COMPLEMENTAIRE DEMANDEZ-VOUS ?
La bonne réponse est D. Il n'y a aucune indication d'examen d'imagerie en urgence face à une lombalgie avec ou sans douleur radiculaire associée.
Seule la présence d'un drapeau rouge constitue une indication d'examen d'imagerie d'emblée.
Il ne suffit pas de ne pas prescrire d'examen, comme le stipule la recommandation HAS sur les lombalgies (2019) , il faut bien communiquer sur ce sujet avec le patient, je vous explique cela dans cette video :
Retenons donc que l'imagerie en urgence devant une lombalgie n'est réalisée qu'en cas de drapeau rouge. In fine, dans cette situation de drapeau rouge, cela implique que le patient soit de fait adressé en urgence en milieu hospitalier. Ne demandez pas une IRM "en urgence" en ville, adressez en CHU ou en clinique de neurochirurgie.
Mon avis personnel, mes trucs et astuces :
Astuce numéro 1 :
"PAS D'IMAGERIE EN URGENCE EN ROUTINE" ne signifie pas : "PAS D'IMAGERIE DU TOUT". En effet, si un patient n'évolue pas favorablement sur le plan algique malgré votre traitement => Demandez une imagerie à 6 semaines. De préférence une IRM. Le scanner est indiqué uniquement s'il existe une contre indication à l'IRM. Quant à la radiographie simple, elle manque de sensibilité et ne permet que d'évaluer une étiologie osseuse.
Astuce numéro 2 :
L'application trop stricte des drapeaux rouges doit être relativisée. En effet, dans ma pratique, une proportion significative de patients avec lombalgie peut se présenter avec des "caractéristiques" de drapeaux rouges, même s'ils n'ont pas de cause grave sous jacente. Je me pose donc en pratique 2 questions principales face à une lombalgie : 1) Y a t'il un déficit moteur (membres et/ou organes pelviens) => Je trouve bien plus inquiétant un déficit moteur qu'une radiculalgie ou paresthésie ! 2) Quelle est la probabilité pré test ? C'est à dire le contexte, je retiens alors 4 grandes situations critiques :
Mes drapeaux rouges en pratique ne sont constitués que de ces 4 points là !
Astuce numéro 3 :
Je fais très attention aux mots que j'emploie et je relis le compte rendu radiologique avec le malade en lui expliquant chaque terme. En effet, il a été démontré que l'utilisation de termes plus bénins pour décrire une lombalgie non spécifique, tels qu'un " épisode de mal de dos " ou un "tour de rein ", par opposition à des termes plus pathologiques tels que " dégénérescence " ou " bombement discal ", réduit la perception qu'ont les patients de la gravité de leur état, améliore leurs attentes en matière de rétablissement et réduit leur besoin d'imagerie et de deuxième avis !
Voici le lien de l'étude qui en parle, si cela vous intéresse 🙂 : O'Keeffe M, Ferreira GE, Harris IA, Darlow B, Buchbinder R, Traeger AC, Zadro JR, Herbert RD, Thomas R, Belton J, Maher CG. Effect of diagnostic labelling on management intentions for non-specific low back pain: A randomized scenario-based experiment. Eur J Pain. 2022 Aug;26(7):1532-1545.
Vous recevez M. Dupont qui présente une lombalgie sub aiguë résistante au traitement médical. Votre collègue médecin remplaçant lui a prescrit un scanner du rachis lombaire :
Selon l'analyse de ces images, quelle symptomatologie vous attendez-vous à rencontrer en toute bonne corrélation clinico-radiologique.
La bonne réponse est C.
Les disques intervertébraux du rachis lombaire ont une épaisseur croissante du haut vers le bas. Le disque intervertébral L5-S1 est donc normalement le plus épais. Les reconstructions sagittales montrent ici que ce n'est pas le cas: il existe un affaissement discal avec un pincement postérieur en L5-S1. La présence de gaz dans l'espace L5-S1 est un épiphénomène confirmant la dégénérescence du disque.
Le matériel discal est dans le canal rachidien (récessus latéral droit) et comprime la racine L5 droite contre le massif articulaire postérieure droit. Cette hernie discale L5-S1 droite est vraisemblablement à l'origine de la névralgie sciatique !
Tomodensitométrie axiale du rachis lombaire. Reconstruction sagittale. Fenètre tissus mous. 2 L1, Première vertèbre lombaire. E, Apophyse épineuse. C, Canal rachidien. D, Disque intervertébral L3-L4. L5, Corps vertébral de L5. Flèche, Hernie discale L5-S1. S1, Première vertèbre sacrée
Tomodensitométrie axiale du rachis lombaire. Coupe axiale. Fenètre tissus mous.
C, Corps vertébral de L5. G, Gaz (Sa présence indique des phénomènes dégénératifs). T, Trou de conjugaison par lequel sort le nerf. Flèche, Hernie discale L5-S1, comblant le récessus latéral droit.
Voilà, rendez vous la semaine prochaine pour la suite et fin de ce cas clinique en 2 parties. La semaine prochaine, on revoit les traitements !
A bientôt sur guideline.care 😉 et bonne consultation
Voici mes points clefs à retenir concernant le diagnostic de la lombalgie aiguë :